Le tango d'aujourd'hui, quelques pistes...

Depuis les années 90, le tango a opéré une renaissance dans le monde entier.
Il y a d'abord eu un aller-retour entre l'Argentine et l'Europe, principalement en France, avec l'exil de musiciens et chanteurs argentins au début de la dictature de 1976-1983, te
ls le Cuarteto Cedrón ou Juan José Mosalini. Ensuite, le spectacle "Tango Argentino" a été un succès mondial en 1983, ce qui suscita l'intérêt de nombreuses personnes pour la musique et aussi pour la danse, elles (re)découvraient une danse de couple.

De son côté, à la fin du siècle, l'Argentine s'est réappropriée culturellement le tango selon trois axes : mise en place d'une législation protégeant le tango comme expression artistique et archétype de l'identité nationale, intérêt des gouvernements argentins qui y ont vu une possibilité de développement économique, intérêt croissant de nombreux jeunes musiciens et chanteurs qui cherchent aussi à rénover le tango. Beaucoup d'entre eux sont regroupés dans un mouvement informel, la "Guardia jóven".
En parallèle, des musiciens, des chanteuses et des chanteurs continuent à proposer un répertoire de tangos à écouter et/ou de musiques folkloriques, celles en dehors de Buenos Aires.

Et enfin, en Europe, l'émergence d'une musicalité nouvelle – celle du Gotan Project – suscite l'enthousiasme de jeunes qui ne s'intéressent pas nécessairement au tango en tant que danse.

Deux courants se dessinent dans cette évolution du tango : d'une part, l'expression musicale avec les instruments de musique traditionnels et d'autre part, celle mettant en jeu des “boîtes électroniques”, l'électrotango.
Ce qui suit est une illustration de ces tendances à travers des orchestres, des musicien(ne)s, des chanteuses et des chanteurs contemporains. Ils ont marqué le passage du siècle et/ou se sont fait connaître durant cette décennie.

 

La continuité

Le premier courant se place dans la continuité du tango de l'école décarienne, la Guardia nueva.
Les orquestas típicas, les trios ou duos actuels revisitent le répertoire du passé tout en jouant aussi leurs propres compositions. En général, les interprétations sont plus mélodieuses, les arrangements ont plus de caractère et accentuent les différences de rythmes. Cela donne un phrasé plein d'élan et de retenue.

Les prédécesseurs

Orchestre mythique, le Sexteto Mayor est un des acteurs principaux du renouveau. Cet orchestre a déjà débuté en 1973, puis il a connu un succès international en 1983 avec le spectacle "Tango Argentino". Spectacle qui a fait le tour du monde et créé un nouvel engouement pour le tango – autant écouté que dansé – faisant naître un peu partout de nouvelles écoles de danse.
Depuis, plusieurs albums du sexteto Mayor ont été édités en Europe : en 1991 "Quejas de bandoneón"* et "Trottoirs de Buenos Aires"* avec la chanteuse Adriana Varela.

Puis, il a fallu attendre 2003 pour un double album : "Passion du tango"*, édité à l’occasion de leur trentième anniversaire. «Plein de vie, de romantisme et de passion» comme le dit Luis Stazo, un des deux bandonéonistes fondateurs de cet orchestre.
Le livret, bien fourni, retrace leur histoire et replace les morceaux choisis dans leur contexte.
Conçu comme l'orquesta típica (deux bandonéons, deux violons, piano et contrebasse) des années 20, époque florissante du tango, le Sexteto Mayor, par ses arrangements, sonne parfois comme un grand orchestre. Et, de fait, sur l’une ou l’autre plage, les violons sont un peu trop présents et langoureux. Mais ce style – tango de concert – leur est particulier. Cela se découvre surtout dans le premier disque "De Gardel a Piazzolla y mucho más". Le deuxième disque, "Tangos para bailar" plutôt destiné à la danse, est un peu plus dépouillé. Mais rassurons les milongueros, ils pourront toujours danser sur la plupart des morceaux du premier disque...
Les enregistrements s’étalent de 1973 à 2003. La plupart des plages sont des tangos du répertoire traditionnel; quelques-unes de leurs compositions y sont ajoutées, comme par exemple "París otoñal"
  (1995). Enfin, Adriana Varela, à la voix grave et sensuelle, apporte son écot de passion dans les deux tangos chantés de l’album : "Volver" et "Malena" .
Un vrai plaisir... à écouter et à danser !
"On Air"*, concert live du Sexteto Mayor en Allemagne est enregistré lui aussi en 2003.
Lors de leur tournée européenne fin 2004, José Libertella, un des deux fondateurs, décède à Paris le 8 décembre. Malgré tout – the show must go on ! – le concert au Bozar eut lieu quelques jours plus tard. Moment d’émotion, son bandonéon déposé sur un tabouret et recouvert d’une écharpe blanche… Janvier 2005, après la tournée européenne, Luis Stazo quitte l'orchestre.
Deux autres bandonéonistes les remplaceront et le Sexteto Mayor existe toujours avec les bandonéonistes Horacio Romo et Pablo Mainetti.

L'orchestre Color Tango a débuté en 1989, avec des musiciens issus de grands orchestres argentins.
Roberto Álvarez, compositeur, arrangeur et fondateur de l'orchestre, a été bandonéoniste pendant douze ans dans l'orchestre d'Osvaldo Pugliese. Il y a acquis un style clair et bien marqué, tout en gardant un son mélodieux, le romantisme des années 40 sans la surcharge musicale des années 50 !
Après un premier album "Color tango"* sorti en 1990, il a fallu attendre 2001 pour qu'arrive en Europe le double album "Con estilo para bailar"*. Résultat de cinq ans de travail et de tournées à travers le monde, ces deux volumes “pour danser” balaient le répertoire du tango des origines – Eduardo Arolas et Julio De Caro – à nos jours avec des compositions de Roberto Álvarez, en passant par Pugliese et Piazzolla – entre autres compositeurs des années 1940/50. Jamais assez joués dans les milongas, des titres comme "A Evaristo Carriego"
, "La yumba" , "Zum" donnent pourtant une ambiance très vibrante et amènent sur la piste de danse autant les débutants que les danseurs confirmés.
Le troisième volume "Tango a Pugliese - Con estilo para bailar, vol.3"* est paru en 2004, titre éponyme d'un tango composé par Álvarez. Cet album reprend les mêmes ingrédients : fougue, envolées et retenues mènent la danse ! A en juger avec entre autres, "Los mareados" , "Yunta de oro"
ou "Desde el alma" . Il est suivi en 2003 par "Una historia del tango", disque didactique.
Hommage de l’élève à son maître, pour le centième anniversaire de la naissance d’Osvaldo Pugliese, le Color Tango édite en 2005 "Pugliese inedito"*. À la demande de la veuve de Pugliese,
Roberto Álvarez a sélectionné une dizaine de tangos dans le fond inédit du maestro et les a arrangés dans le style qui lui était propre, cela donne des tangos comme "Para Héctor Larrea" ou "De mi corral" . Cinq autres tangos, dont "Piqueteros" , composés dans le même esprit par Álvarez et ses musiciens, clôturent cet hommage.
L'album "Yunta brava"*, aussi édité en 2005, mélange morceaux connus et inédits, tel Solfeando ou "Troileana", l'hommage à Anibal Troilo de Daniel Lomuto, neveu de Francisco Lomuto. Eduardo Espinoza prête sa voix pour la moitié des tangos ; il a chanté aussi  à l'époque dans l’orchestre de Pugliese. Dans la bonne continuation de Color Tango, la plupart des morceaux sont dansables.
En 2009 sort un album anniversaire "20 años" et en 2014 sort "Con estilo para bailar, vol.4".
D'autre part, le Color Tango a gravé deux albums avec des chanteurs invités. En 2004 avec le chanteur Siro San Román, l'album "…y fuimos nuestros"*. San Román chante depuis cinquante ans, il est passé entre autres dans les orchestres de Hector Varela et Alfredo Gobbi. Le répertoire est principalement celui des années 1940/50 et l'interprétation vocale est typique de cette époque.
L'autre album, "Alma tango" (2006) est chanté par Eduardo Espinoza sur les paroles d'Andrée LapeyreLa Morocha”. Elle avait déjà collaboré en 2003 avec Roberto Álvarez en composant la musique de l'album instrumental "Amor Tango".
Pour terminer, l'orchestre Color Tango interprète une dizaine de tangos sur le 6ème DVD
de la série "Buenos Aires, Días y Noches de Tango"*.

De Pugliese à Pugliese…

"La Vida y la Cempestad"* de Carla Pugliese fut enregistré lors d’un concert à Tokyo en 2004.
Elle y joue du piano et dirige son orchestre, tout comme sa mère et son grand-père avant elle. Quelques compositions personnelles se mélangent à des thèmes très connus. De temps en temps, elle introduit sans trop en faire synthétiseurs et autres instruments électroniques : "Ojos verdes cerrados" .
À danser.

"Etapas"* de Beba Pugliese a le rythme bien marcado à la Pugliese (Osvaldo, le père). Dans une ambiance tantôt tango, tantôt jazzy, Beba interprète au piano quelques morceaux bien enlevés, comme par exemple "El japanga" .
Les enregistrements ont été réalisés en 1979, 1998 et 2003 et reprend quatre tangos écrits par son père, dont le fameux "Recuerdo" joué en public et chaleureusement applaudi.
Plutôt à écouter, mais quelques titres conviennent à la danse.

Pour suivre, dans l'album "Pasión en tango"*, l'orchestre de Beba Pugliese et le sexteto Neotango de Andrés Linetzky interprètent des thèmes de Jaime Wilensky, pianiste et compositeur contemporain. Il a composé la musique et écrit les paroles de ces titres inédits. En exemple, le sexteto Neotango : "Ilusión" , "Pasión" et l'orquesta Beba Pugliese : "Escucha esta canción" , "Suenõs del ayer" et une milonga : "El juguete" .
Andrés Linetzky est un ancien élève d’Horacio Salgán et fait partie de la "Gran Orquesta TangoVia Buenos Aires" qui rassemble les plus importants interprètes du tango d’aujourd’hui en Argentine. Ces derniers à leur tour font partie ou dirigent d’autres orchestres.

Ensuite, dans son album "Cromático"*, Andrés Linetzky avec le sexteto Neotango invite, parmi d’autres musiciens, Nestor Marconi pour "Café Homero" . Les interprétations rappellent un peu le sexteto Mayor. Le répertoire passe du traditionnel à des compositions propres au sexteto "Cuando jugaba" de Linetzky, aux invités ou encore à celles de Jaime Wilensky.
Plus à écouter qu’à danser !

Et encore... Autre orchestre dans la lignée de l'orchestre Color Tango, Vale Tango est lui aussi dirigé par Andrés Linetzky. Un premier album "Músicas de noche"* sort en 2002. De la même année, l'album "Danza maligna"* reprend la musique du spectacle éponyme créé par Silvana Grill et Fabian Luca. Par l’expression du tango – danse, musique et voix ils nous invitent à une réflexion sur cette danse maligne, pleine de séduction et d’amour...
Dans l’album "Bardi"* (2005), l’orchestre Vale Tango joue des œuvres d’Agustín Bardi, violoniste, pianiste et compositeur de la Guardia nueva. Nous lui devons plusieurs tangos toujours présents dans les milongas, tels "Lorenzo" , "Nunca tuvo novio", "La racha" ou le bien connu "Gallo ciego" .
En 2005 aussi est édité l'album "Soy cantor", disque en solo de Esteban Riera,
chanteur de l'orchestre. Il est suivi, en 2007 du double album "Tango baile", dédié à la danse, forcément ! Le premier disque, “escenario”, est orienté vers les professionnels, tandis que le second, “salón”, est dédié aux danseurs des milongas. Et puis un album "Live at La Viruta"* est enregistré en 2008. Dans la série "Buenos Aires, Días y Noches de Tango"*, Vale Tango interprète huit tangos sur le 5ème DVD.
L’orchestre Vale Tango a aussi participé à la musique du film "Assassination Tango"* de Robert Duvall.

Autre formation qui oscille entre traditionnel et avant-gardisme, le Cuarteto Almagro qui ajoute en plus un brin d’ironie dans son album de 2001 "Hemisferios"* avec, par exemple, des morceaux comme "Cosmotango" ou "Pantera Tanguera" . L’interprétation est enlevée...
Chacun des musiciens apporte ses compositions et/ou arrangements, avec en plus trois titres de Piazzolla. Le cuarteto se compose de  Alfredo “TapeRubin, voix et basse, Fabrizio Pieroni au piano, Juanjo Mosalini (fils de Juan José) au bandonéon et Leo Weiss au violon. A la fin du disque, et pour autant qu'on le laisse tourner, une piste cachée ! La plupart des compositions sont dansables.

Alfredo “Tape” Rubin chante et joue de la guitare avec les arrangeurs Adrián Lacruz et Mariano Heler dans l’album "Reina noche"*. Des ballades en forme de récital ! Se retrouvent ici, comme dans l’album "Hemisferios", plusieurs compositions dont "La Marilyn", "Lysou" et "Bluses de Boedo".
Cet album s’écoute volontiers en fin d’après-midi !

Le Sexteto Ciudadanos del Tango existe depuis 1983. Il a accompagné entre autres Libertad Lamarque, Nelly Vasquez ou Roberto Goyeneche.
L’album "Melodía de Arrabal"
* est inspiré du spectacle "Conciertotango" des chorégraphes et danseurs Alicia Orlando et Claudio Barneix. Carlos Varela y chante deux tangos.
L’interprétation musicale est plus dans le style traditionnel et classique que dans celui, plus marqué et impétueux, de l’Orquesta Color Tango ou de l’Orquesta típica Imperial. Ce qui peut s'entendre par exemple dans "A media luz". Ce disque est très dansable.

Une voix agréable, forte et sensuelle caractérise Lina Avellaneda, interprétant tangos célèbres et compositions personnelles (co-écrites et arrangées avec des membres de son groupe).
Dans son septième album, "Silueta porteña"*, les instruments l’accompagnent et lui répondent avec la même fougue. Par exemple "El milagro".
Lina Avellaneda, cousine de Julio Pane, a fait des études de chant, d’harmonie et de composition, mais aussi d’écriture – neuf prix de poésie !
Un récital à ne pas rater si elle passe dans les environs…

L’album "A las orquestas"* du Julio Pane Trio, auquel se sont adjoints quelques musiciens, offre une interprétation bien enlevée, mais qui reste sensible et équilibrée. Deux compositions sont de Julio Pane dont le jeu du bandonéon peut rappeler celui d’Olivier Manoury notamment dans le solo de bandonéon "Interludio". Une autre est de José Colángelo, pianiste invité.
En bonus track, la reprise jazzy du titre de l’album "A las orquestas".
Cet album est plus à écouter qu’à danser.

D'un autre genre est l'album "Tangos"* de l'harmoniciste Hugo Díaz, à ne pas confondre avec le bandonéoniste du trio Hugo Díaz* !
Dans cet album sorti en 2001, l'harmonica remplace le bandonéon, dans un style très jazzy. Le piano de José Colángelo y contribue aussi en total connivence et symbiose avec Hugo Díaz, ce qui se remarque dans."Mano a mano". Hugo Díaz intervient aussi dans le film "The Tango Lesson"* de Saly Potter.
Le Toots Thielemans argentin !

Autre harmoniciste, autre style aussi, plus conventionnel, "La armonica del tango"* de Luis Salto date de 1994. Tantôt en trio, tantôt en orchestre, les musiciens jouent un répertoire connu. L'interprétation y aurait gagné avec un jeu de l'harmonica – chromatique - plus simple, avec moins de trilles : "Sur".

La Guardia Jóven

Des jeunes musiciens ont formé en 2000 le collectif "la Máquina tanguera". Ils font partie des orquestas típicas Fernández Fierro, Imperial et La Furca. Leur idée était de fonder un mouvement artistique de jeunes musiciens autour du tango afin d'échanger leurs connaissances et leurs expériences, promouvoir un espace culturel autonome, en dehors du circuit officiel, où ils pouvaient exercer leurs activités et organiser des concerts en public.

L'orquesta típica Imperial est composé de trois bandonéons, trois ou quatre violons, violoncelle, contrebasse, piano et un chanteur. La musique est puissante et bien marquée, ménageant des respirations entre les envolées. Le maestro Osvaldo Pugliese n'est pas loin ! L'orchestre Color Tango non plus !
Ils ont trois albums dédiés à la danse. Les deux premiers sont excellents : "La máquina tanguera" * date de 2003 et "Ruidos molestos"*, sorti en août 2005, ne dément pas les promesses du premier. A écouter parmi d'autres "A Salvador Allende" , "Gallo ciego" , "El equilibrista" ou "La gayola"
. Présenté à Bruxelles, le troisième album, "Concentración troileana" daté de 2008, paraît un peu terne, sinon confus, moins puissant. A écouter : "Tango para Guevara" , "La casita de mis viejos" .

L'orquesta típica Fernández Fierro, une douzaine de jeunes, quatre bandonéons, trois violons, violoncelle, piano, voix, sous la direction de Yuri Venturín à la contrebasse. L’interprétation et les arrangements sont d’une part ancrés dans les racines du tango et, d’autre part, dans une recherche avant-gardiste, induisant par moments beaucoup de fougue, mais qui préserve rythme et mélodie.
Leur premier album, "Envasado en origen"*, a été enregistré fin 2001. L’interprétation rappelle celle du Color Tango et, en effet, Roberto Alvarez y interprète dans "El ingeniero"
un solo au bandonéon.
Le répertoire va de la Guardia vieja à Pugliese
, de "Comme il faut" à "Yo payador" , dans lequel Horacio Ferrer (poète et parolier de Piazzolla) récite un de ses textes.  Ils jouent aussi "Waldo" , un tango de leur création.
Leur second album, "Destrucción masiva"*, datant de 2003, est dans la même lignée, quoique la recherche musicale amène parfois un manque de clarté et donne l’impression d’en faire trop. Ils interprètent des tangos traditionnels, tel "Orlando Goñi"
ainsi que trois compositions propres dont "Mal arreado" .
Puis un troisième album sort en 2006 : "Mucha mierda". Ils interprètent leur propres créations comme ''011'' ou ''Lengua seca'' et des tangos traditionnels et modernes, de Pugliese, ''Adiós Bardi'' ou de Piazzolla, "Buenos aires hora cero" .

En 2009 sort leur quatrième : "Putos" avec toujours autant de fougue ! Il reprend entre autres créations propres, le "Bluses de Boedo" de Alfredo “Tape” Rubin. Ensuite fin 2012 sort l'album "Tan idiotas como siempre", TICS en abrégé...
Ces albums sont en bonne partie dansables.

L'orquesta típica La Furca est fondé en 1999, il se compose de quatre bandonéons, trois violons, violoncelle, contrebasse et piano qui accompagne un chanteur. Les jeunes musiciens sont de formation classique et interprètent les standards des grands orchestres des années 40 et 50, en s'inspirant du style d'Osvaldo Pugliese. Depuis sa création, l'orchestre La Furca s'est beaucoup produit dans les hauts lieux culturels de Buenos Aires. En 2002 est sorti un premier disque, "De puro guapo", suivi d'un second enregistré en public. Le style de cet orchestre s'apparente à celui des orchestres Imperial et Fernández Fierro, dans la lignée du Color Tango, exemple : "A Evaristo Carriego" .

Autre orchestre de notre temps, El Arranque, fondé en 1996. Il est lui aussi típica : deux bandonéons, deux violons, piano, contrebasse et voix. Ses arrangements sont un peu plus doux, plus sentimentaux sinon romantiques, plutôt dans le style du sexteto Mayor : les violons sont parfois bien (fort) présents !
Après un premier album, "Tango"* sorti en 1998, l'orchetre édite chaque année un album : "Cabulero"* sorti en 2001, "Clásicos"* en 2002, "En vivo" en 2003, "Maestros"* en 2004. La sélection des oeuvres balaie largement le répertoire traditionnel mais comprend aussi des oeuvres d'aujourd'hui. Dans "Maestros", quelques maîtres sont invités et El Arranque interprète leurs compositions
. Cet album est tiré du spectacle "Tangos de los inmigrantes" joué à Gênes, capitale culturelle en 2004. Puis il faut attendre 2008 pour l'album "Nuevos", seize titres de leur composition ou de celle de musiciens actuels : "Enigmático" .
Certaines compositions se prêtent plus à l'écoute qu'à la danse.
L'orchestre a fait des tournées internationales, il a entre autres joué au Bozar
en juin 2006. El Arranque interprète neuf tangos repris sur le 5ème DVD de la série "Buenos Aires, Días y Noches de Tango"*.

La Chicana est un groupe bien différent. Leur musique est plus populaire, presque toujours chantée, avec des textes de composition, souvent d'un mélo ironique. Cette musique se rattache à celle de la "Guardia vieja" du tout début du 20ème siècle et en ce sens, elle se démarque du tango actuel. Quand les rythmes sont ceux du tango, ils le sont dans le style canyengue, plus chaloupé, ainsi "Confesión" ou "Fuegos artificiales" . Sinon, ce sont ceux du folklore argentin, chacarera, gato, estilo, chamamé ou zamba.
Le groupe est fondé en 1996 par la chanteuse Dolores Solá, par Acho Estol (guitariste, arrangeur et voix) et par Juan Valverde (flûte et clarinette). Et selon les circonstances, d'autres musiciens s'y ajoutent.
La Chicana a déjà à son actif cinq albums : "Ayer hoy era mañana"* édité en 1997, "Un giro extraño"* en 2000, "Tango agazapado"* en 2004, "Canción llorada"* (compilation) en 2005, "Lejos"* en 2006 et un album double "Revolución o Picnic" en 2011.
Dans la série "Buenos Aires, Días y Noches de Tango"*, La Chicana interprète six tangos repris sur le 4ème DVD.

L'Orquesta típica Sans souci existe depuis 1999, il est composé de quatre bandonéons, quatre violons, piano et contrebasse. La démarche va dans le sens de la continuation du style de Miguel Caló et d'Osmar Maderna, dans les années 1940/50. Les musiciens sont de tout âge, l'un ou l'autre a même commencé sa carrière à cette époque. En 2005, ils ont édité l'album "Al estilo del '40", une dizaine de plages dont "Después"
 

 

L'électrotango

L'autre courant est résolument novateur, en prise avec la musique “jeune”, par l'utilisation des techniques électroniques : synthétiseurs, boîtes à rythmes, samplers… Cela donne un large éventail de différentes musiques, avec des influences venues de la musique électro-acoustique au jazz, du pop rock au hip hop jusqu'à la variété…
En parallèle, la danse évolue avec la recherche de nouvelles figures, de nouveaux pas, inspirés entre autres des danses actuelles.
Bien plus que le tango
traditionnel, l'électrotango doit se laisser apprivoiser, par les oreilles (d'abord) sinon par le corps...

Premier en Europe, le Gotan Project est créé en 1999 à Paris par des musiciens français et argentins.
Un album sort en 2001 : "La Revancha del Tango"*, mixage de tango et de jazz passé au travers de l'électronique. Une tournée mondiale – plus de deux cents concerts – offre à de nombreux publics une musique et un spectacle tranchant résolument avec les spectacles existant depuis une vingtaine d'années. Ensuite un DVD du concert sort en 2005, suivi des albums "Lunático"* en 2008 et "Tango 3.0"* en 2010. A écouter : "Amor porteño"
.

En même temps, à Buenos Aires principalement, de jeunes musiciens venant d'horizons musicaux divers sont à la recherche de nouvelles sonorités pour le tango.
Parmi les groupes qui se forment, le premier a être connu chez nous est Narcotango de Carlos Libedinsky.
Il a à son actif  les albums "Narcotango"* sorti en 2003 et "Narcotango 2"* sorti en 2006, un DVD "en vivo" en 2008 et un nouvel album, "Narcotango Limanueva" en 2010, gravé à la suite de la tournée en Amérique et en Europe.
Avec des titres comme "Vi luz y subí" ou "Otra luna", il définit son premier album comme la rencontre profonde entre le tango et l'atmosphère musicale électronique de notre temps : «A l'heure où seulement quelques couples restent sur la piste de danse, et que la magie visite la milonga, quand les corps sont enivrés de danser des heures durant, et que nous ne voulons pas que la nuit s'achève, à cette heure naît Narcotango. A cet instant je commence à imaginer cette musique. A ce moment, le pouvoir narcotique du tango confirme une fois de plus que je suis entré dans cet univers duquel il est difficile de sortir, parce que le tango génère une sensuelle et puissante addiction.»
Voilà qui est bien dit ! Une musique du bout de la nuit !

C'est bien le reflet de ce courant musical, du moins pour la plupart de ces groupes.

Les albums suivants nous viennent du groupe Tanghetto. Celui-ci s'est formé en 2001 à l'initiative de Max Marsi et Diego S. Velázquez, déjà à la recherche de sonorités électroniques depuis 1997. Ils sortent en 2004 "Emigrante"*, inspiration des paysages urbains de Buenos Aires. Hommage à la “culture du déracinement”, inspiré par les émigrants qui ont dû abandonner leur terre natale pour des motifs politico-socio-économiques. Entre autres influences, la deuxième plage, "Una llamada", rappelle le Concierto de Aranjuez. L'autre album, sorti en 2005, "Hybrid Tango"*, se définissant comme tango cosmopolite, se veut une fusion entre le nouveau tango argentin et le flamenco, le jazz, l'électro-acoustique, la bossa nova ou la candombe. Ensuite sort en 2008 "El miedo a la libertad", suivi en 2009 de "Más alla del sur".

Au départ d'un duo créé en 1987 à Buenos Aires, Daniel Almada et Martin Iannaccone ont au cours des années, échangé par courriel leurs idées, recherches musicales – l'un en Argentine, l'autre en Europe.
Finalement réunis en Europe avec d'autres musiciens, ils forment
le groupe Tango crash. Ils enregistrent l'album "Tango Crash"* et le finalisent à Buenos Aires en 2003. Au départ de thèmes traditionnels et de compositions propres, la musique évolue dans tous les sens, utilisant aussi bien le saxo ou les percussions que le bandonéon, dérivant de sonorités jazziques ou planantes (à la Weather Report) vers des musiques électro-acoustiques, avec des fragments de discours, voix déformées, etc.
Ensuite vient en 2005 l'album "Otra sonata"* suivi en 2008 de "Bailá querida"*.

Autre groupe, le Bajofondo, qui s'appelait au début Bajofondo Tango Club et créé par Luciano Supervielle, se définit comme un collectif représentant l'expression sonore portègne (de Buenos Aires) du nouveau millénaire : tango et électronique, dans la même démarche que, par le passé, le tango était l'expression de la rue. Tous les titres de l'album "Bajofondo Tango Club"*, sorti en 2002, sont des compositions originales, alliant instruments traditionnels, voix et synthétiseurs.
Cet album est suivi d'un autre "Bajofondo Tango Club remixed"* en 2005, puis de "Mar dulce"* en 2007.

D'un autre côté… Otros Aires se veut un projet électro-archéologique créé en 2004 entre Barcelone et Buenos Aires.
Les titres du premier album, "Otros Aires"* édité en 2004, sont composés de fragments de tangos du début du 20ème siècle mixés à des séquences électroniques, des mélodies et des textes actuels, le tout soutenu par un bandonéon bien présent. Par exemple "Milonga sentimental"
.
Un second album sort en 2007, "Otros Aires dos", suivi d'un enregistrement public, "Vivo en Otros Aires"*,  en 2010 de l'album "Tricota"* et en 2013 l'album "4"*.

Si le bandonéon est aussi présent dans l'album "Evolution tango"* de Sergio H. Bermejo (Malevo, 2004), la formation musicale passée - house et techno - de son auteur se fait sentir, en contrepoint d'une influence piazzollienne.
Dans la première plage, une voix de femme rappelle Pink Floyd (Dark Side of the Moon).
C'est le neuvième album auquel Sergio Bermejo participe. Parmi ceux-ci, sont sortis en 2000 "Evolution", en 2005 "Otario" et en 2007, la compilation "Malevo", tous dans le même style.

Fernando Montemurro a composé en 2004 les thèmes de l'album "Buenos Aires Tango Beat"*.
Un album très électronique : synthétiseurs et samples de voix sont en contraste avec un piano et un bandonéon, lui-même repris en boucle, par exemple : "Malayuta
".

Enfin, "Tango"* du groupe Debayres est le premier fruit (2004) de leur recherche parmi toutes les musiques du monde. L'album comprend des chansons (en plusieurs langues) et des instrumentaux. Cela oscille entre musique électronique, disco, variété, sur un rythme tango (parfois). Il est suivi de l'album "Tango vivo", dans la même expression.
Ils définissent leur musique comme électrofusion.

Un groupe norvégien, Electrocutango, a sorti en 2004 l'album "Felino". Toutes le compositions sont originales, mêlant instruments classiques, voix et un peu d'électronique : "Felino" . Un deuxième album sort en 2011 : "Adrelanina".
Son leader et pianiste, Sverre Indris Joner a déjà créé en 1990 le quartet Tango for 3 et un album du même nom*, avec Juan José Mosalini au bandonéon. Homme prolixe, il est aussi compositeur, arrangeur, il a formé plusieurs groupes à vocation musicale latino.

Pour terminer, "Bandoneón - ElectroTango"* est une compilation d’interprétations de Melingo à Supervielle (Bajofondo) en passant par celles de Nuspirit Helsinki. Ce panorama de l’électrotango reprend en majeure partie des compositions personnelles en français, anglais ou espagnol aux rythmes latino, électroniques et même rap.