Le creux de la vague et le renouveau

...Patience ! En cours d'élaboration...

Le péronisme se durcit et se termine par une tentative de coup d'état dans un bain de sang sur la Plaza de Mayo un 16 juin 1956. Mais Perón est renversé trois mois après suite à un putsch, réussi celui-là, et s'exile.
S'en suivent trente années noires, instabilité politique, dictatures (1955-58 et 1966-73). Les différents présidents et gouvernements n'arrivent pas à relever l'économie ni à faire face à la pression sociale et à la résistance de mouvements peronistes.
Finalement, Perón revient d'exil, est réélu président en 1973 tandis que sa troisième épouse, Isabel, est nommée vice-présidente
. Sa politique vire de plus en plus à droite, ce qui entraîne conflits sociaux et attentats. Lorsqu'il meurt en 1974, Isabel Perón lui succède sans parvenir à améliorer la situation sociale.
Elle est écartée du pouvoir en 1976 par la junte militaire de Videla et ses escadrons de la mort. Commence la “guerre sale” enlèvements, disparitions, assassinats des opposants de gauche et de leur famille, jusqu'à la guerre des Malouines de 1982 dont l'échec précipitera la chute de la dictature un an plus tard.

Selon les historiens, quelques 30.000 personnes ont disparu entre 1976 et 1983...
L'Asociación Madres de la Plaza de Mayo s'est constituée en 1977 pour réclamer leurs enfants disparus. Ces mères manifestent en défilant pacifiquement sur la Place de Mai, affrontant les militaires, pour cela elles sont aussi apelées les “Folles de la Place de Mai”. Malgré leur lutte pacifique, certaines fondatrices sont elles aussi assassinées. 

Depuis, les femmes survivantes et celles qui les ont rejointes défilent encore tous les jeudis sur la Place de Mai, coiffées d'un foulard blanc. Elles continuent à se battre pour la paix et la justice politique et sociale, créant même en 2000 une université populaire.

Au point de vue culturel, à la fin des années 50, l'austérité est de rigueur : conservatisme politique et culturel. La junte militaire interdit les manifestations populaires, et donc aussi le tango. Les gens dansent moins en public, la peur parfois les empêchant de sortir, mais continuent dans le cercle familial.
Outre cela, la musique rock plaît plus aux jeunes, ils considèrent le tango comme une musique ringarde.
Des centaines d'orchestres au temps de Perón, il n'en reste plus qu'un petit nombre. Les formations de l'école traditionaliste jouent un tango édulcoré, tango for export, qui plaît plus aux touristes, tels D'Arienzo (¬1976), Canaro (¬1964) ou De Angelis (¬1992).
En même temps, le tango – de concert – se fait écouter, plutôt que d'être dansé ou chanté. Les grands orchestres se réduisent fortement
retour des orquestas típicas, trios et cuartetos avec des musiciens de formation plus académique.
Les maestros tiennent bon, mais vieillissent. Ils réarrangent le répertoire du tango en affinant l'orchestration. Leur musique s'imprègne parfois d'une influence nord-américaine, celle de l'époque des comédies musicales. Cela se remarque parmi d'autres, chez Di Sarli avec ses derniers arrangements et compositions des années 56-58. Il disparaît en
1960.

De son côté, Osvaldo
Pugliese continue son chemin rénovateur, comme Astor Piazzolla le sien, ce qui les mènera tous deux au nuevo tango, à la vanguardia. Dans quelques œuvres de la fin des années 40, telles "Negracha" et "Malandraca", il se montre précurseur dans l'usage de la syncope et du contrepoint. Il dirige son orchestre pendant une cinquantaine d'années et meurt en 1995 âgé de quasi 90 ans. Son style marque nettement la génération actuelle des orchestres, après avoir inspiré sa fille Beba et son ex-bandonéoniste Roberto Álvarez de l'orchestre Color Tango.
Dans la même voie, le bandonéoniste Pedro Laurenz, lui aussi un ancien, s'associe en 1960 à Horacio Salgán (piano), Enrique Francini (violon), Ubaldo de Lío (guitare électrique) et Rafael Ferro (contrebasse). Cet ensemble, le Quinteto Real, réforme lui aussi l'interprétation en ajoutant plus de variations sur les instruments, et dont le piano de Horacio Salgán apporte une coloration rythmique du jazz. Ce dernier exprime déjà ce style dans ses propres compositions jouées avec son orchestre dans les années 50.

D'autres musiciens et chanteurs continuent ou se font connaître  : Virgilio Expósito, Leopoldo Federico, Roberto Goyeneche – el Polaco, à la voix bien grave et éraillée, Raúl Gallero, Eduardo Rovira, Atilio Stampone, Osvaldo Berlingieri, Lito Nebia,Edmundo Rivero qui créera en 1969 le cabaret de tango "El viejo almacén", Raúl Berón, Julio Sosa – el varón del tango, une des dernières grandes voix du tango. Sans oublier les voix de Eladia Blázquez, Susana Rinaldi, Alberto Castillo, Alberto Marino, Ángel Vargas et Francisco Fiorentino...

Le phénomène Cedrón...

En cette même époque apparaît Juan Cedrón... et son désir de réunir poésie et musique dans une vision à la fois urbaine et populaire, c.-à-d. dans la tradition du tango et du folklore. En 1964, cet auteur compositeur et interprète fonde son trio, lui comme chanteur et guitariste, César Stroccio au bandonéon et Miguel Praino au violon.
En 1965, le Trio Cedrón ouvre le premier café-concert de Buenos Aires : le Gotán, lieu de toutes les rencontres. S'y produisent autant des musiciens que des peintres, des poètes comme des comédiens et toute l'avant-garde portègne... Y jouent aussi Eduardo Rivero (en trio avec Atilio Stampone et Nichele) et même Piazzolla, suscitant au prélable une belle controverse ! L'aventure dure deux ans...
Peu de temps après, le trio deviendra le Cuarteto Cedrón avec l'ajout de Jorge Sarraute et sa contrebasse.

De la rencontre avec Paco Ibañez, lors de sa tournée en Argentine en 1971, se noue une amitié profonde. Le Cuarteto est invité en France en fin d'année pour une tournée de concerts. S'en suivent des allers et retours avant un exil à Paris fin 1974 suite aux troubles politiques. Le Cuarteto Cedrón retournera en tournées en Argentine en 1984, à la fin de la dictature militaire. Entretemps, il co-fondera en 1981 à Paris le cabaret "Trottoirs de Buenos Aires", en compagnie de Julio Cortazar, Juan José Mosalini, Susana Rinaldi...
L'essentiel de sa production discographique se fera en Europe, tout au long de trente années d'exil. De même que des spectacles comme "Mémoire de Buenos aires" en 1987 ou "Mémoire des Mayas" en 1991.
Création en 2000 d'un orchestre de tango “para bailar” : "La Típica" qui animera les milongas parisiennes et européennes. 

Juan Cedrón, devenu depuis Juan “Tata” Cedrón ("grand-père"), rentre en Argentine en 2004.
Jusqu'à aujourd'hui, le Cuarteto Cedrón continue
chaque année ses tournées en Argentine et en Europe.

On ne peut pas dire que le Cuarteto Cedrón soit orienté tango à danser. Il l'est, mais pas seulement, il est aussi un merveilleux  interprète de poésies mises en musique par Juan Cedrón, avec sa voix chaude et grave, 
des poètes Tunón, Gelman, Cortázar…

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